Lettre de Cécile Ladjali aux professeurs du collège Albert Camus

Résidence, collège Albert-Camus

Chers amis,

Je me joins à vous par les mots – ils seront importants cette année !- avant de vous retrouver vendredi prochain. Je fais tout comme vous ma rentrée auprès de mes lycéens… sourds. Pendant quinze ans, je l’ai faite en Seine-Saint-Denis et toujours les élèves me signifiaient à quel point le langage, la capacité à lire le monde, à dire le monde et à se dire leur tenaient à cœur.
A travers l’œuvre en cours que je leur présenterai, je leur apprendrai à lire et à se dire. Cette aisance à l’égard des signes et des images est vitale. Elle l’est pour un écrivain comme moi qui tient debout parce qu’il écrit. Elle l’est également pour des consciences en formation, lesquelles ne seront libres et heureuses que si elles évoluent allègrement parmi les signes.
Vendredi, je vous dirai donc que l’essentiel de mon propos s’organisera autour du roman que j’écris en ce moment. Il s’agit d’un livre ayant pour personnage principal la figure de l’androgyne, laquelle me permet de convoquer les mythes, les textes sacrés, les problématiques du féminin et du masculin, ainsi que celles du corps, de l’esprit et de l’origine.
La mienne se trouve en Iran et elle demeure tant fascinante que complexe – parfois douloureuse. Le texte va s’écrire au gré des voyages, puisqu’à la Toussaint je me rendrai à Téhéran pour constater certaines choses qui, pour l’instant, s’énoncent de manière purement intuitives dans le roman. Je ne manquerai pas à mon retour d’évoquer avec les élèves ce choc du voyage. Je leur montrerai les images et les souvenirs que j’y aurai glanés, et les modifications que j’aurai apportées au texte grâce à eux.
Ce sera émouvant pour moi, sans doute difficile, mais je ne leur cacherai rien. Ils rentreront avec moi de plain pied dans la fabrique du texte et pourront mesurer tout ce qui se joue pour un auteur quand il choisit un sujet auquel il est si viscéralement attaché.
Ces problématiques autour du monde oriental, de la place de la femme, et de la famille vont forcément intéresser les élèves qui viennent eux-aussi d’horizons proches du mien. La littérature et la création deviendront alors de merveilleux truchements pour aller à la rencontre de l’altérité avant de revenir à soi et de se connaître.
Car c’est sans doute cela l’écriture : un dialogue avec l’inconnu afin de se connaître.
Marco Castilla filera ces métaphores de façon très concrètes à travers la réalisation d’œuvres plastiques et photographiques qui permettront aux élèves de saisir les enjeux d’une telle réflexion de manière très incarnée. Il vous exposera vendredi lui-même son programme.
Le fait de croiser les disciplines apportera beaucoup à la Résidence où les Lettres, les Arts et l’Histoire constitueront le singulier kaléidoscope de couleurs, de formes et de sens que nous agiterons ensemble avec joie toute l’année scolaire.
Je vous souhaite une très belle rentrée.
Amitiés vives.
Cécile